Quelles sont les étapes clefs de la transition de commercial à Head of Sales ?
Déjà d’un point de vue de l’entreprise, c’est important car c’est de la mobilité interne. C’est important de promouvoir des gens, de montrer de la reconnaissance, de motiver les troupes.
Pour la personne en tant que telle, c’est un changement de métier total. Passer de gérer des comptes à gérer des humains, ce n’est pas du tout le même métier. C’est peut-être déjà là la première étape clef : bien définir et comprendre quel est le poste. Je sais qu’en France le métier de Head of Sales est un peu utilisé à toutes les sauces. Il faut définir ce qu’on attend : un team lead qui va à la fois closer et manager ? Un manager ? Un Head of Sales avec une vision stratégique, de pénétration de marchés ? Fait-il partie du board ?
Quels sont les points d’attention lorsqu’on passe Head of Sales ?
1. Les 6 premiers mois
Ces 6 premiers mois sont cruciaux. C’est un peu comme si on repartait sur une période d’essai. Il faut garder à l’esprit que la personne a souvent été choisie par rapport à ses performances commerciales. On promeut souvent des Top Performers, des gens qui transmettent les valeurs et la culture de la société, des leaders en puissance, mais là il s’agit de gérer des humains, c’est tout à fait différent.
2. L’accompagnement
Il ne faut pas oublier que la personne change de métier, il faut donc l’accompagner comme si on repartait sur une page blanche. Malheureusement le métier de manager ne s’apprend pas par la théorie. On peut donner des guidelines, on peut faire des formations, mais c’est sur la pratique qu’on va devenir meilleur. C’est donc très important d’accompagner cette personne, et de faire en sorte qu’elle soit le mieux armée possible.
Chez Linkedin on avait mis en place une période d’incubation pour les managers. Pendant 6 mois ils avaient beaucoup de ressources à disposition : une formation interne, un coach, et un manager qui dégageait du temps pour les accompagner. Il y a souvent un sentiment de passager clandestin ou de syndrôme de l’imposteur. On est souvent confronté à manager nos anciens collègues avec qui on a peut-être des atomes crochus, des relations extra-boulot. Donc forcément les relations changent, ça peut créer des tensions car il y a beaucoup d’émotions là-dedans. Il faut prendre conscience de ça et apprendre à le gérer.
3. Les difficultés du métier
Ce qui est dur dans le métier, ce n’est pas la technique ni la partie commerciale. C’est la gestion des personnes. Qui dit gestion des personnes, dit gestion des émotions, du stress, de l’angoisse etc. Les premières erreurs que j’ai faites qui m’ont permis d’apprendre beaucoup, c’est de changer ma méthode de management par individu. Souvent au début c’est “un pour tous, tous pour un”. On a tendance à faire un seul style de management, et ça passe ou ça casse. Dans certains cas ça peut passer, mais d’autres fois il faut un peu s’adapter car on est tous différents. Il y a beaucoup d’humain, de psychologie, et il faut cette appétence d’adaptation, ou avoir le potentiel de développer cette appétence.
Un bon commercial est-il toujours un bon manager ? Un bon manager est-il toujours un bon commercial ?
Un très bon athlète ne fera pas forcément un très bon coach, et un très bon coach n’était pas forcément un très bon athlète, c’est la même chose chez les commerciaux.
Dans les sociétés, ce sont souvent les meilleurs commerciaux qui peuvent être éligibles aux postes de managers, car on est dans une culture de la performance. Je pense que c’est propre à chaque société de prendre une décision qui soit en lien avec la culture et les valeurs de la société, il n’y a pas de réponse universelle.
Si on zoom un peu sur les Top Performers, il y a un gros travail à leur faire comprendre le métier de manager, et surtout qu’il ne s’agit plus d’eux, mais qu’il s’agit des autres. Cela paraît évident comme ça, mais parfois ça prend 3, 6, 12 mois à être vraiment compris. Un manager va plutôt travailler à valoriser les autres plutôt qu’à valoriser son propre travail. Il faut réussir à jongler entre : faire son chiffre et performer, et faire en sorte que ses équipes aillent bien et qu’elles performent.
Quelle semaine type pour un Head of Sales ?
Tout d’abord, il faut passer un maximum de temps avec ses équipes dès le début. Sur une semaine de 40 heures, si on se rend compte qu’on ne passe que 10h avec ses équipes c’est qu’il y a un problème.
On peut passer du temps avec ses équipes sous différents formats : sous forme de meeting, en 1:1, en rendez-vous client, en formation… Tout ça doit faire partie d’une semaine type.
Chez Linkedin on avait mis en place un genre de Sales cadence, où on essayait d’homogénéiser le temps de chacun. On a mis en place des plages horaires de Deep work où on ne devait pas être dérangés, où les commerciaux étaient au téléphone ou en rendez-vous, et les managers faisaient le travail qui leur demandait le plus de concentration. Ces plages-là c’était en général le matin de 9h à 11h, les mardi, mercredi et jeudi, car le lundi on n’est pas encore productif à fond, et le vendredi on est fatigués.
Ensuite, il ne faut pas bouger ses 1:1 avec ses équipes. On se met d’accord sur un créneau et on s’y tient.